Thora Betzion - Tzedek

Thora Betzion est un mouvement de jeunes bénévoles créé à l’initiative du rabbin Paul Roitman, au début des années 70. Il est venu répondre à un besoin de la société israélienne, dans sa lutte contre l’inégalité sociale et les clivages culturels. Dans les quartiers déshérités et les villes de développement, les enfants sont exposés à l’influence néfaste de la rue. Face à cette situation inquiétante, sous l’impulsion du rabbin Roitman, les jeunes se mobilisent.

L'action de Roitman


Dans les premiers mois qui suivent son installation à Jérusalem, Paul Roitman se rend dans les quartiers déshérités de Jérusalem. Déchiré par le spectacle des gamins qui traînent dans la rue, livrés à eux-mêmes et désœuvrés après l’école, Paul Roitman se jure de « faire quelque chose » pour les plus démunis. Il décide alors d’appliquer en Israël la méthode qui lui a si bien réussi en France, et de créer à Sion la réplique israélienne de Thora Vetzion, devenue Thora Betzion.

Pour mener à bien son projet, il s’entoure de jeunes olim, souvent d’anciens ’hanikhim d’Europe ou d’Afrique du Nord, auxquels s’adjoindront des Américains, des Russes (qui commencent à arriver), des Sud-Africains, et bien sûr des Israéliens. Avec la même foi que jadis, et sans le moindre soutien gouvernemental, ces étudiants bénévoles sillonneront les quartiers pauvres des grandes villes, ainsi que les villes de développement, pour encadrer et organiser la jeunesse. Le rabbin Roitman croit en cette jeunesse souvent laissée pour compte, et n’a de cesse qu’il ne lui ait rendu son autonomie et sa dignité. Un jour, rêve-t-il, les adolescents deviendront des leaders, et pourront assumer des responsabilités dans la vie publique.

Les premières réunions se tiennent dans des locaux de fortune, tel l’abri de la synagogue Peer Yerushalayim, souvent glacé et inondé par les pluies d’hiver, ou un sous-sol désaffecté dans le quartier de Shmuel Hanavi, alors secoué par le mouvement de revendication des Panthères noires. Très vite, pourtant, les enfants affluent, sensibles à la chaleur humaine et à l’intérêt qu’on leur témoigne. Malgré la différence d’âge et la barrière de la langue, cet éducateur né parvient à captiver l’attention des petits diables qui, suspendus à ses lèvres, écoutent dans un silence religieux l’histoire qu’il leur raconte. Il a soixante ans, ils en ont huit, et préféreraient passer leur chabbat sur un terrain de foot. Mais le fluide magique continue d’opérer.

Peu à peu, le travail se développe. Grâce aux efforts de Mme Fanny Kaplan, épouse du grand rabbin de France, qui a réussi à réunir les fonds nécessaires, Paul Roitman entreprend la construction de trois centres communautaires dans trois grandes villes du pays : Jérusalem (en 1973), puis Haïfa (1977) et Beer-Shéva (1979). Ce sont des centres-pilotes, vite réputés pour leurs nombreuses activités – à la fois culturelles, éducatives et sociales. On y trouve une garderie d’enfants, des cours pour adultes, depuis l’enseignement de l’alphabet jusqu’à l’étude du Talmud, en passant par la couture, le sport, les langues étrangères. Les programmes destinés aux plus jeunes attirent les parents dans leur sillage. Le centre communautaire permet ainsi à ces populations défavorisées, le plus souvent coupées de leurs racines religieuses, de renouer avec leurs racines culturelles et de reformer peu à peu une communauté, dans la grande tradition sépharade.

Avec les années, l’originalité de Thora Betzion va s’affirmant, dans le contexte social, politique et religieux de l’Israël moderne. Son programme éducatif, sioniste et religieux, vise à reconstruire autour de la synagogue une structure communautaire vivante, attachée aux valeurs traditionnelles et nationales. Son orientation, à la fois plurielle et apolitique, est un phénomène original dans la société israélienne de l’époque, et jusqu’aujourd’hui. La force de Thora Betzion, et l’une des raisons de son succès, est son indépendance à l’égard de tout parti ou institution.


Tzedek

camp

En 1985, Paul Roitman décide de doter ces enfants d’un mouvement de jeunesse autonome, propre à renforcer leur identité culturelle et leur sentiment d’appartenance au groupe : Tzedek. Ils auront un hymne à eux, un uniforme et un insigne, autant de symboles qui leur permettront de se rassembler autour d’un même idéal.
Tzedek, qui signifie en hébreu « justice », est aussi l’acronyme des trois termes qui constituent sa base idéologique : Tzioni (sioniste), Dati (religieux), Kehilati (communautaire). Un mouvement religieux, mais ouvert à tous : Tzedek accepte dans ses rangs tous les enfants, sans distinction d’origine communautaire, de niveau religieux ou social. Aucune contrainte ne leur est imposée, et c’est par l’expérience d’une vie juive authentique qu’ils apprennent à mieux connaître leur propre patrimoine, et à s’identifier à ses valeurs. Un mouvement sioniste, mais non affilié politiquement : les enfants sont libres de tout engagement, de toute dépendance de parti ou d’idéologie. Ce qui est mis en avant, c’est la solidarité nationale, l’œuvre commune de reconstruction, la participation au développement du pays.
Enfin, un mouvement communautaire : issus pour la plupart de milieux modestes, ces jeunes apprennent à partager. S’ils sont pris en charge au niveau économique, social, éducatif - c’est pour mieux transmettre, à leur tour, ce qu’ils ont reçu.

Rapidement, le mouvement se propage, et connaît un essor considérable. En quelques années, Tzedek devient l’une des initiatives-phares de la société israélienne. Il regroupe trois mille enfants, répartis dans 37 centres régionaux, disséminés à travers tout Israël, et établis en priorité dans les villes de développement ou les quartiers déshérités. Thora Betzion-Tzedek enregistre de réels succès, en particulier dans l’effort d’intégration des nouveaux immigrants (enfants éthiopiens à Sdeirot ou à Ashdod, enfants russes à ’Holon ou à Kyriat Nordau).


Fonctionnement et activités


Quand aucun mouvement de jeunesse n’est actif dans un quartier, le plus souvent défavorisé, Tzedek décide d’y ouvrir un centre. Les sections locales sont au coeur des activités durant l’année. C’est par elles que le mouvement fait passer son message éducatif.

La première tâche consiste à trouver un local, avec l’aide des autorités municipales ou des centres communautaires. Ce local sera entièrement décoré par les enfants, qui le rendent aussi confortable et attrayant que possible. Pour eux, c’est une seconde maison. Deux ou trois fois par semaine, tout au long de l’année, les jeunes s’y retrouvent pour leurs activités. C’est là aussi que les madrikhim établissent leur programme et décident des actions sociales qui seront lancées dans leur quartier. Mais c’est aussi, tout simplement, un lieu de rencontre où passer un moment de détente et retrouver des amis.

A Pessa’h et à Souccoth, les enfants découvrent le pays grâce à des excursions d’étude et des randonnées. Surtout, répartis par tranches d’âge, ils participent aux camps de vacances du mouvement. C’est là qu’ils peuvent être véritablement formés, et qu’ils vivent intégralement l’expérience d’une vie juive authentique. Les ma’hanot constituent pour les jeunes une orientation et un refuge.

Chaque été, l’essentiel de l’effort se concentre sur leur organisation à grande échelle. Y prennent part plus de 1500 enfants, dont c’est souvent la première occasion qui leur est offerte de quitter leur quartier. La participation aux frais de ces familles, généralement en difficulté financière, est souvent symbolique.
Le rabbin Roitman veut ménager la dignité des plus pauvres : il institue pour règle d’or de réclamer de chacun une cotisation, sans en préciser le montant, variable en fonction des ressources de chaque famille. Ainsi, pas de « charité » : tout le monde aura payé ses vacances - et personne ne sait à combien s’élève la contribution du voisin.
Des années plus tard, un jour qu’il vient de sauter dans un taxi, Paul Roitman s’étonne de voir le chauffeur se retourner vers lui : « Ah, Rav Roitman, je vous reconnais, j’ai participé à vos ma’hanot ! C’est à vous que je dois d’être aujourd’hui devenu ce que je suis. Nous n’avions pas un sou, mais vous avez tenu à nous faire payer… un shekel symbolique ! Ainsi je me suis senti à égalité avec les autres, j’ai perdu ce sentiment de honte qui me poursuivait. Je me souviendrai toute ma vie de ce séminaire, et … de ce shekel qui a changé mon destin. »

En outre, le programme comprend immanquablement des activités d’aide aux défavorisés, aux personnes âgées ou aux malades. A ’Hanouka, les enfants vont allumer les bougies chez les personnes isolées ou handicapées. A Pourim, ils distribuent des gâteaux ou du café chaud aux soldats sur les routes, ou décident de venir en aide à telle ou telle famille en difficulté. À plus de quatre-vingts ans, alors qu’il est déjà malade, Paul Roitman demande à se rendre lui- même sur l’un des lieux de distribution, à l’entrée de la ville. Prévenue, une petite fille aux longues nattes et aux yeux bleus guette son arrivée. Son émotion, quand elle l’aperçoit, est à son comble, elle devient toute rouge, et peut à peine murmurer « Harav Roitman ! ». Elle fait demi-tour et file à toutes jambes prévenir les copains.

Les cadres de Tzedek sont formés dans des séminaires d’étude qui se poursuivent tout au long de l’année. Cet enseignement leur permet d’animer à leur tour, dans les différents centres, des activités culturelles et récréatives régulières. Parmi ces madrikhim, on compte des adolescents russes ou éthiopiens, qui prennent ainsi conscience à la fois de leur propre richesse culturelle et de leur rôle dans la communauté.

Ainsi, le cycle de la responsabilité sociale, éducative et idéologique est parcouru. Les enfants d’aujourd’hui sont devenus les cadres de demain : à dix ans, on leur offre pour la première fois la possibilité de quitter leur quartier et de partir en vacances. A quinze ans, ils suivent des séminaires de formation : enseignement juif, histoire du sionisme, pédagogie. A dix-huit ans, on les retrouve qui centralisent les activités d’un groupe ou de toute une région. Bientôt engagés dans la vie professionnelle, ils deviendront des adultes conscients et responsables, non seulement attachés au développement de leur quartier, mais soucieux également de l’avenir du pays entier.


Premier Bilan (1994)

En 1994, Israël n’est malheureusement pas épargné par les problèmes économiques et sociaux. Délinquance, drogue et pauvreté sont la triste réalité des quartiers les plus dépourvus, comme de certaines villes de la périphérie. « En 1993, 180.000 familles, dont 280.000 enfants, vivaient en-dessous du seuil de pauvreté », titre le Haaretz (27.10.94). « Ces enfants qui vivent dans la misère représentent pour l’avenir un danger social. La pauvreté ne se ressent pas seulement au plan économique. Elle a une incidence sur l’éducation et la vie sociale de l’enfant. » (Yediot Aharonot, 01.11.94)

Thora Betzion-Tzedek apporte sa contribution à la lutte contre ces ravages, et multiplie les activités éducatives dans les zones défavorisées. Son action s’adresse, justement, à ces enfants dont certains vivent en marge de la société, et qu’aucun autre mouvement de jeunesse n’a pris en charge.
Tzedek a également beaucoup contribué à une meilleure intégration des nouveaux olim. Les enfants russes et éthiopiens se sont joints aux activités des sections locales existantes. En outre, le mouvement a créé de nouvelles sections dans les villes où la proportion de nouveaux immigrants était élevée, tel le site de caravanes de Nordia, dans la banlieue de Nathanya.

En 1994, Thora Betzion-Tzedek est le seul mouvement de jeunesse en Israël qui ait enregistré une augmentation de ses effectifs. Au fil des années, près de vingt mille enfants sont passés par ses réseaux. De nombreuses municipalités font appel à lui pour qu’il lance un groupe dans leur ville.

Aujourd’hui - comme la plupart des structures créées ex nihilo par le rabbin Roitman - Tzedek continue à vivre et à rayonner dans nombre de villes en Israël. Pour une vue d’ensemble de ses activités actuelles, le lecteur est invité à consulter le site officiel du mouvement :
tsedek.net [attention, orthographié avec un « s » ]