"Ce résistant convaincu s'est donné pour tâche d'aider à la reconstruction du peuple juif dans la période trouble qui est la nôtre, dévastée par la Shoah, mais éclairée aussi par la renaissance de l'Etat d'Israël. Ce qui le passionne, c'est la jeunesse, sans distinction d'origine ou d'idéologie." - Actualité Juive Hebdo
Paul Roitman a été de ceux qui, après avoir échappé à la tourmente de la guerre, ont juré de consacrer toutes leurs forces à la renaissance du peuple juif, dans l’oubli de leur propre personne. Son action inlassable se distingue à la fois par son ampleur, sa diversité, et par le caractère original qui a été le sien, avec un esprit ressourcé à la grande espérance juive, dépassant les enfermements idéologiques et les calculs de partis.
Né le 29 janvier 1920 à Tarlow (Pologne), au sein d’une petite communauté hassidique, il est l’aîné de cinq enfants. Poussés par les difficultés économiques, ses parents Chil et Rosa émigrent en France en 1925 et s’installent à Metz, où ils demeurent jusqu’à la guerre.
À l'âge de 15 ans, Paul Roitman fonde avec quelques amis le groupe du « Brith Hanoar » de Metz et, au cours de l'été 1937, il dirige avec Moché Scheinbach, chef du groupe de Strasbourg, son premier camp d’été.
En 1938, Paul commence à Nancy des études de médecine qu’il devra interrompre trois ans plus tard, les étudiants d'origine juive ne pouvant pas, selon la législation antisémite du gouvernement de Vichy, continuer leurs études universitaires .
En 1940, à Toulouse où il est réfugié, il monte un cercle d’études, où seront recrutés les principaux cadres de l’Armée juive et de l'Organisation juive de Combat. Il recevra, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la carte d'ancien combattant et la croix du combattant volontaire de la Résistance.
En décembre 1942, il est arrêté par les Allemands au cours d’une mission et est alors interné au Fort du Hâ près de Bordeaux puis transféré au camp d'internement français de Mérignac. Il est ensuite libéré par miracle (la veille de Pourim) sur une intervention extraordinaire de son jeune frère, Léon Roitman, l’un des héros de la Résistance juive. Il recevra le titre officiel d'interné résistant.
En janvier 1945, il épouse Léa Schleider, une jeune assistante sociale qui a travaillé à ses côtés dans la Résistance. Le couple s’installe à Paris.
Paul Roitman, depuis la France, favorise l’immigration clandestine en Palestine, alors sous contrôle britannique et sera décoré par le futur gouvernement de l’État Juif de la médaille du combattant (Ot Halohem).
Renonçant à reprendre ses études de médecine, Paul Roitman décide de vouer sa vie au peuple juif. Il entre au Séminaire Israélite de France dans l’intention d’œuvrer pour la jeunesse avec le titre d’aumônier.
À la fin de cette année, Léa donne naissance à un fils, Julien, l’aîné de trois enfants.
Au début de l’année 48, Paul Roitman refuse le poste de rabbin de communauté qui
lui était proposé. Il quitte le rabbinat officiel pour se consacrer à l’éducation.
À compter d’octobre, il dirige le
Bné Akiba de France.
En 1950, Paul Roitman est nommé directeur pour l’Europe et
l’Afrique du Nord de la section
religieuse du Département de la jeunesse à l’Agence juive, poste qu’il occupera jusqu’en
1970.
Il devient « rabbin itinérant » et parcourt tout le continent. Dans chaque pays, il
établit des
structures d’accueil pour la jeunesse et renforce les communautés. Des snifim du
Bné Akiba
surgissent dans tous les pays d’Europe et dans les coins les plus reculés d’Afrique du
Nord.
Mais une nouvelle tâche l’attend : avec l’arrivée des premiers juifs réfugiés d’Algérie
en
1958, il lance seul une vaste opération de secours et de regroupement des « rapatriés »
arrachés à leur communauté d’origine. A cet effet, il mobilise plusieurs centaines de
jeunes
intellectuels juifs qu’il envoie « prospecter » chaque dimanche dans les banlieues, afin
de
repérer, sur les boîtes aux lettres des grands HLM anonymes, des noms aux résonances
familières. Le mouvement « Thora Vezion » retrouve
ainsi de nombreux juifs, auxquels il
propose les services communautaires de base - offices, cacherout, Talmud Thora. Il
parviendra à toucher et à réinsérer dans la vie juive française près de 100.000 juifs
déracinés.
En 1965, Paul Roitman crée en Province et en banlieue parisienne un mouvement de
jeunesse indépendant, qui constitue la branche cadette de « Thora
Vezion » : « Tikvaténou ».
Les dirigeants de la communauté juive française (Alain de Rothschild, Jean-Paul Elkann,
Raymond Leven et d’autres) se regroupent alors autour de lui pour le seconder dans sa
tâche, et suivent régulièrement le cours d’études juives qu’il leur dispense.
En 1969, son travail inlassable est salué par la mairie de Paris, qui lui décerne la
médaille
d’argent de la Ville.
En 1970, il émigre en Israël avec sa femme et ses deux plus jeunes filles, Betty et Eliane.
En 1971, il travaille à l’édification, avec l'aide du baron Alain de Rothschild, de la synagogue Peer Yerushalayim à la Moshava Haguermanit.
Pendant trois ans, il est chargé de l’érection, sous l’égide de l’épouse du Grand-rabbin
de
France, Mme Fanny Kaplan - qui s’occupe du financement du projet -, de trois Centres Fanny
Kaplan à vocation éducative, religieuse et communautaire. Ces centres s’ouvrent
respectivement à Jérusalem (1973), Haïfa (1977) et Beersheba (1979), et abritent les
activités du mouvement « Thora Bezion ».
Paul Roitman en supervise le fonctionnement.
En 1974, il participe à la création de Mayanot, école de cadres dirigée par Léon
Askénazi
(Manitou). En 1982 s’ouvre dans le quartier de Baka à Jérusalem le centre de troisième
âge
Beith Frankforter dont il surveille la construction. Il sera, plusieurs années, durant
le
président de l’Association Frankforter d’aide aux personnes âgées.
Du fait de l’expansion de son activité éducative et sociale, il mesure la
nécessité de
créer en
1985 un nouveau mouvement de jeunesse : « Tzedek »,
acronyme
de tzioni (sioniste), dati
(religieux), kehilati (solidaire de la communauté). Au cours des années,
cette
branche
cadette de Thora Bezion essaime dans tout le
pays ; elle
accueillera plus de 20.000 enfants,
dont de nombreux émigrants éthiopiens et russes.
Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1976, il est en 1987 promu au rang
d’officier.
Lauréat du Prix de Jérusalem (Agence Juive) en 1985, il deviendra, en 1999
citoyen
d’honneur de la Ville.
Le grand-rabbin Roitman s’éteint à Jérusalem le 21 août 2007 (7 Ellul 5767). En
2016 la
capitale lui rend hommage en inaugurant une place à son nom.
- Betty Rojtman, Les débuts du Bné Akiba en Europe. L’action de Paul Roitman, Paris, A. J. presse, 2006, 247 p. (Existe en traduction hébraïque)